La route de Stewart-Cassiar, Épisode 2

La route de Stewart-Cassiar, Épisode 2

Nous prenons la direction de Stewart et cela commence bien ! Après quelques kilomètres sur cette route, nous nous arrêtons pour laisser traverser un magnifique grizzli. La joie peut se lire dans nos yeux, nous n’en croisons pas souvent (contrairement aux ours noirs). Nous prenons le temps de l’observer et de le photographier sous toutes les coutures avant qu’il disparaisse dans le bas-côté.

Après un petit stop au col devant le Bear Glacier, la route redescend à travers une forêt humide surplombée de pics enneigés jusqu’à atteindre le niveau de la mer. Stewart, situé au terminus de cette terre, fait face à un fjord long de plus d’une centaine de kilomètres.

Nous nous arrêtons pour la nuit le long d’un petit lac encerclé d’une forêt particulière, comme je le disais plus haut : une forêt humide. En effet, les côtes de la Colombie-Britannique reçoivent de plein fouet toutes les précipitations de l’Océan Pacifique (et il y en a beaucoup). Ce climat forme une magnifique forêt d’énormes cèdres rouges, thuyas et autres conifères entièrement recouverts de mousses et lichens. Des « barbes de vieillards » se suspendent aux branches et le sol est tapi de fougères, de choux puants et de bâtons du diable (je vous laisse visionner tout cela sur Google image).

Comme à notre habitude, nous avons tenté de faire un feu avec du bois ramassé sur place… Mission impossible.
Pour nous consoler, un radeau équipé d’une table de pique-nique, nous attend sur une berge du lac. Quoi de mieux qu’un petit apéro sur l’eau dans ce cadre somptueux.
La nuit est tombée et je m’apprête à rentrer dans le van lorsque je vois Geoffrey farfouiller sous la table de pique-nique, à la lumière de son téléphone. Il me dit : « j’ai vu un truc, je crois qu’il y a une souris ». Je lui réponds passivement, qu’en effet, il me semble avoir vu une petite boule grise courir. Alerte rouge chez Geoffrey : « mais, tu ne te rends pas compte, si elle vient dans le van, qu’elle nous mange tout, qu’on doit tout jeter, ou pire… qu’elle s’installe dans notre isolation !!! ».
Ah oui, après avoir grandi à la campagne avec des souris qui traversaient la salle à manger, je n’avais pas pensé à toutes ces éventualités. Je lui réponds donc : « Mouai, c’est vrai que lorsqu’elles meurent dans les cloisons, ça pue… », ce qui a fini par le terroriser.
Alors que nous sommes installés dans notre lit, lumières éteintes, nous entendons gratter sous le véhicule, puis à droite, dans les cloisons, ça monte, ça descend… Bon, là, je dois reconnaitre que le problème devient sérieux, surtout que nous ne savons pas trop si le bruit vient de dehors, de dedans ou d’un monde parallèle entre les deux.
Nous décidons de nous déplacer et de se stationner sur le parking précédent, à côté d’un autre véhicule, en espérant avoir semé la bête (ou mieux, de leur avoir refilé !). Malheureusement, quelques minutes plus tard, nous entendons de nouveau gratter. La nuit s’annonce longue…

Le lendemain, nous oublions la souris et partons crapahuter sur les montagnes environnantes. La forêt est superbe et nous avons la chance de trouver nos premières chanterelles en tube ainsi que plusieurs girolles qui finiront en poêlée. La randonnée monte jusqu’à un magnifique lac aux eaux turquoises. Après les 900 mètres de dénivelé sous un temps radieux, nous plongeons sans hésiter (ou presque) dans ce lac… L’eau est glaciale, on y restera à peine 3 secondes.

Le soir venu, bonne nouvelle, plus de souris, ce qui est une bonne chose, je préfère éviter les passagers clandestins. Un véhicule est garé à notre emplacement de la veille et nous observons les frontales des occupants éclairer dans toutes les directions… Une chasse à la souris est certainement en cours ! Après quelques minutes, le véhicule finit par se déplacer à côté de nous. Moral de l’histoire : Face à une souris, mieux vaut rester groupé !

Nous visitons la petite ville de Stewart qui a conservé son cachet de l’époque avec ses vieilles bâtisses de 1900. Elle est à la frontière de l’Alaska où se trouve à quelques kilomètres, sa ville jumelle complètement isolée de 90 habitants, Hyder. Habituellement, les gens peuvent librement circuler d’une ville à l’autre. Mais, suite à la décision du Canada de fermer ses frontières pour faire face à la pandémie, cette petite ville des USA s’est retrouvée complètement isolée du monde. Les gens ne pouvaient plus faire leurs courses, accéder aux soins ou même travailler. Quelques semaines après notre venu, le Canada a décidé de faire une exception pour ces petites communautés de l’Alaska.

Après 3 jours passés dans cette région, nous revenons sur nos pas pour reprendre la route du sud. En bordure de la highway, plusieurs personnes sont rassemblées sur un pont, appareil photo en main, et semblent observer ce qui se passe en dessous. En tant que bons touristes curieux, nous nous arrêtons. Dans la pénombre, je distingue l’objet de toutes les attentions, un grizzli est en train de remonter la rivière. Ce sont des photographes. Ils nous expliquent que nous sommes chanceux car cela fait deux heures qu’ils attendent l’ours.
Je me retourne, Geoffrey semble totalement désintéressé et regarde de l’autre côté du pont. Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de plus intéressant qu’un grizzli ? En m’approchant, je comprends mieux… ça a l’air de grouiller là-dedans. Il me dit : « je crois qu’il y a plein de saumons dans le creek ».
Nous entrons en effet, dans « the place to be » des saumons du Pacifique (et donc des ours) qui remontent les rivières pour se reproduire.

Le lendemain, nous y retournons pour observer ce phénomène en plein jour. C’est impressionnant. Des couples de saumons d’un rouge flamboyant sont positionnés un peu partout dans la rivière. Nous passerons la matinée à scruter leur comportement. Le repas du grizzli observé la veille est encore sur le berge : un saumon déchiqueté, enfin, plutôt des miettes de poisson…

Pour poursuivre dans la thématique, nous nous arrêtons près de la rivière Mezziadin. Nous avons entendu parler d’un camp de pêche saisonnier de premières nations installé sur la berge lors de la remontée des saumons. Ce camp est à proximité d’un seuil infranchissable. A l’époque, il s’agissait de chutes naturelles, maintenant, c’est un seuil bétonné construit initialement pour faciliter la remontée des saumons. Celui-ci a finalement été mal calculé, trop haut. Une passe à poissons (une sorte d’escalier) a dû être construite quelques années plus tard.

Les amérindiens profitent donc que les saumons soient bloqués là pour les attraper à l’épuisette. Ils les stockent ensuite cuits en conserve, cuits dans le vinaigre ou fumés.
Nous les regarderons un petit moment. Bien que cela semble une « pêche facile », c’est surtout une « pêche traditionnelle » qui a toujours été réalisée comme cela. Mais, nous sommes loin du style des pêcheurs à la mouche écossais.

Avec tous ces saumons, il est temps pour Geoffrey de reprendre sa canne à pêche. Nous nous arrêtons le long d’un lac (quand j’écris ça, je me demande combien de fois nous nous sommes arrêtés le long d’un lac). Nous sommes rapidement rejoints par un excentrique personnage. Une sorte de papy hippie des seventies, accompagné de son mini-chien à poil long. Il n’a pas l’air d’avoir sa langue dans sa poche et nous aborde en nous demandant si nous sommes des ramasseurs de champignons ou des pêcheurs. Bien que nous trouvons sa question un peu étrange, on lui répond, les deux. Nous n’avions encore jamais rencontré de ramasseurs de champignons alors nous lui posons des questions à ce sujet. Il nous décrit un campement près de la route, direction sud, où les gens ramassent, vendent et achètent des champignons. Nous sommes surpris et intrigués. Il nous parle d’un champignon « le pine mushroom » qui est très recherché et qui, d’après sa description, ne ressemble en rien à ce que nous connaissons. La discussion s’oriente ensuite sur la pêche et après un échange de conseils et de mouches « libellules » (et la proposition d’un joint de cannabis au passage), on s’engage sur l’eau !

Geoffrey attrape quelques truites, il est content. Puis, j’entends un petit plouf et il s’écrie : « Haaaa, mon moulinet ! ». Je me retourne, il scrute l’eau en tenant son fil du bout des doigts. Pas de chance, l’eau est tourbeuse dans ce lac, on n’y voit pas à plus de 20 cm. Je lui dis alors : « Tu n’as pas vérifié tes vis avant de pêcher ? ». Oui, car plus tôt dans le voyage, Geoffrey a déjà perdu le frein d’un autre moulinet dans l’eau, exactement de la même manière. Cela est normalement impossible dans une situation normale, mais, avec le nombre de kilomètres et les vibrations du véhicule, toutes les vis sont sujettes au dévissage. Pour sa défense (ajout de sa part dans l’article), on a réussi à dévisser une bougie du moteur, une poignée de casserole, les accroches d’un tableau et les raccords de gaz (de manière quasiment systématique). Geoffrey avait normalement pris la résolution de vérifier son matériel avant de s’engager sur l’eau…

Bref, nous voilà en train de « débobiner » le moulinet en espérant qu’il remonte avec la fin du fil. Mais, ceux-ci n’étaient apparemment pas attachés entre eux. On se retrouve alors avec une boule de fil de 150 mètres sur le canot. Je décide de ramener le pêcheur démembré qui, quelques minutes plus tard, repartira avec un autre moulinet (oui, il a de la ressource le petit). Pendant ce temps, je démêlerai patiemment la pelote, histoire de n’avoir pas tout perdu. A me relire, c’est à se demander si je ne devrais pas publier un livre sur les mésaventures de mon pêcheur… à réfléchir.

Le lendemain, Geo a encore envie de profiter de cet endroit. De mon côté, je vois le temps qui passe et surtout, le froid s’installer, je préfère que l’on continue notre chemin. Il n’est jamais facile d’estimer le temps à accorder aux étapes du voyage, c’est toujours un dilemme.

Nous finirons par partir dans l’après-midi. Après quelques kilomètres, nous tombons sur le campement des champignons. Nous nous arrêtons afin de glaner quelques renseignements. C’est assez désert, on rencontre un « acheteur » de champignons qui nous montre le tableau des champignons qu’il achète. Il y a des « pine mushroom », des chanterelles en tube, or et bleues, des « lobsters » (homards), des « cauliflowers » (choux-fleurs), des hedgehogs (hérissons), des bear-tooths (dents d’ours), des lion’s man (crinières de lion), des « king » bolets, etc… Eh bien avec cela, nous sommes bien avancés ! Hormis les chanterelles (et encore, que celles en tube), nous n’avons jamais entendu parler de tous ces champignons, ou du moins, nous ne connaissons pas leurs traductions. Dommage, il n’avait pas d’exemplaire à nous monter.
Il y aurait donc tout un tas de champignons comestibles dans ces forêts ! Cela nous donne un objectif pour les prochaines semaines ! Trouver, identifier et goutez toutes ces espèces (Attrapez les tous) !

Suite au prochain article !
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