En parallèle de notre projet de construction de cabane, nous avons eu (beaucoup) de temps libre. Dans cet article, je vais tenter de vous faire partager notre vie et nos sentiments lors de nos trois mois à Dawson City.

La ville de Dawson city

Dawson City est une petite bourgade construite lors de la ruée vers l’or à la fin du 19ème siècle. Elle a abrité jusqu’à 40 000 pionniers, mais aujourd’hui, elle ne compte plus que 1 570 habitants (c’est la deuxième plus grande ville du Yukon tout de même!). Elle a conservé ses devantures d’antan, lui donnant un petit look de Far West. Elle fait partie des « The place to see » du Yukon et de l’Alaska.

Petite ville certes, mais l’essentiel y est, c’est-à-dire : une épicerie, un magasin de seconde main, une bibliothèque, un stade de hockey et … pas moins de 8 pubs !

Côté logistique, la nourriture est acheminée au magasin une fois par semaine et les prix s’en ressentent. Heureusement pour nous, l’épicerie bradait ses fruits et légumes (en voie de péremption) les mercredis. Les vendeurs étaient super contents de nous voir débarquer et c’était réciproque ^^.

Le plus compliqué était l’achat de produits de base de type farine, beurre, sauce tomate, fromage… Pour cela, nous profitions d’un aller-retour à Whitehorse (à 5h de route…aller) de Lolita, Shawn ou Lexie pour passer une énorme commande au supermarché.

Ici, les gens sont pour la plupart autonomes en viande et poissons grâce à la chasse et à la pêche. Un orignal suffit à nourrir une famille de quatre personnes pour un an. Le Yukon bénéficie de règles de chasse très strictes. Aucune carcasse ne doit être retrouvée dans la nature avec un morceau de viande qui aurait pu être consommé et il est également interdit de vendre des produits de la chasse. Des enquêtes sont fréquemment menées et les braconniers sont sévèrement punis, c’est d’ailleurs le travail de Shawn (mais chut…).

Ainsi, alors que nous ne mangions quasiment plus de viande depuis un an, nous avons cuisiné du Bourguignon d’orignal et grillé quelques saucisses de bison sur le feu.

Dawson se trouve à la confluence de la fameuse rivière Klondike et du Yukon. La maison de Shawn et Lolita (et notre yourte) se trouve à peine à 100 mètres du Klondike (ce qui s’avèrera finalement problématique lors de la débâcle). Une poignée de personnes vivent également de l’autre côté de la rive, dont l’unique ferme fromagère du Yukon, uniquement accessible en canoë l’été et par un pont de glace l’hiver.

Il en est de même de l’autre côté du Yukon, où se trouve le village « West Dawson », accessible par un bac après la débâcle ou par un pont de glace l’hiver.

Une piste d’entraînement à la conduite sur glace est même aménagée le long de ce pont de glace, où les amateurs de sensations fortes peuvent tester leurs bolides. Il n’est pas rare de croiser une Golf équipée d’un moteur de 4×4 GMC, de pneus cloutés (littéralement) et avec le pot d’échappement sortant par la fenêtre passager.

Depuis 1896, un pari est organisé chaque année sur la date et l’heure exactes de la rupture du pont de glace, à la minute près ! En 2021, le pont a cédé le 6 mai à 10h29.

West Dawson est également le point de départ de la “Top of the World Highway”, qui relie le Canada à l’Alaska. Il s’agit de l’une des routes les plus septentrionales d’Amérique du Nord. Elle suit une ligne de crête offrant de beaux panoramas sur la forêt boréale. La route n’est ouverte qu’en été. Nous avons tout de même essayé de l’emprunter mi-avril (après le premier passage des engins de déneigement), mais les vents violents et la formation de congères nous ont obligés à faire demi-tour à seulement quelques kilomètres de Forty Miles.

Une belle communauté
Avec si peu d’habitants, les rencontres se font rapidement et tout le monde se connait. Les gens ont toujours un petit mot l’un pour l’autre. L’entraide est importante et l’arnaque ou le profit des autres ne traversent pas l’esprit des Yukonnais. Les maisons restent ouvertes (sauf l’été à cause des ours) et les voitures sont laissées moteurs allumés devant l’épicerie (oups l’écologie mais les démarrages à -35°C ne font pas bon ménage avec la mécanique). La plus belle anecdote que nous ayons entendue relate l’historie d’une personne qui a trouvé 500 dollars au guichet de la banque et qui a demandé sur le groupe Facebook de la ville à qui ils appartenaient. J’en connais plusieurs qui seraient bien repartis avec…
Dawson est la ville la plus isolée où nous avons vécu et en même temps, c‘est la ville la plus chaleureuse dans laquelle nous avons séjournée. Ses 1 500 habitants savent animer la ville, que ce soit aux restaurants, aux pubs ou au « Gerties » (une sorte de casino/hall de dance), toutes les occasions sont bonnes pour faire de nouvelles connaissances.

Ces relations nous confrontent durement aux mœurs françaises où il est de mise d’épier son voisin, de le juger par sa tenue, sa maison, sa voiture, de lui intenter un procès s’il ose construire un mur trop proche de notre terrain, de se plaindre de la vieille voisine qui laisse pousser ses thuyas trop hauts… Eh oui je suis sûre qu’on s’est tous reconnus dans l’une de ces situations…
La vie à Dawson nous a fait réaliser à quel point le monde dans lequel nous vivons manque parfois de bienveillance.

Au programme des festivités, divers concours loufoques : lancer de haches, de fûts, hockey de rue, curling géant en bouée gonflable, sciage de poutre… Nous nous sommes fait remarquer dans plusieurs disciplines dans lesquelles nous étions experts et parfaitement entraînés (à lire avec ironie) ! Geo est arrivé deuxième aux palets sur glace (avec une boîte de thon) et j’ai remporté le concours de rapidité de sciage d’une poutre, catégorie femme (Geoffrey, quant à lui, a fini dernier et a cassé sa lame…).

Exploration des environs

Lors de nos temps libres, nous arpentons les alentours à pied ou à skis avec nos fidèles compagnons, Emma et Shadow, les chiens de Shawn. C’est Lexie, l’habitante de la Tiny House, qui nous initie au « cross-country skiing » (du ski de fond). Pourtant habituée à skier, j’ai l’impression de me retrouver sur une paire de patins à glace. Le style n’est pas vraiment là. Après quelques sorties, je commence à comprendre le mouvement, quoique, j’ai toujours des doutes. Comment freiner dans les descentes sans chasse-neige ? Comment monter une côte autrement qu’en canard ?

J’ai compris qu’il n’y avait pas vraiment d’autres solutions, hormis que le chemin emprunté n’était peut-être pas vraiment adapté à ce type de ski… Notre chemin préféré passe sur la rivière Klondike gelée, puis retour à travers la forêt.

Emma et Shadow nous accompagnent dans nos promenades même si Shadow nous ralentit par ses demandes intempestives de lancés de bâtons (mais l’observer en train de grogner car il se coince avec sa branche de 2 mètres de long entre tous les arbres de la forêt nous amuse beaucoup).

Un jour de printemps alors que nous partions pêcher, environ deux kilomètres après la maison, je jette un coup d’œil dans le rétroviseur et j’aperçois un animal en train de courir sur la route. Je crie à Geo : Ralentis ! Il y a un animal qui court sur la route derrière nous ! Geo ralentit, jusqu’à ce que l’on aperçoive l’animal en question. Il ne s’agit ni d’un lynx, ni d’un loup mais bien de Shadow, réalisant le sprint de sa vie, langue pendante, au milieu de la Highway. Apparemment, il était hors de question qu’on aille s’amuser sans lui, on lui a donc ouvert la porte du coffre et il nous a accompagné lors de notre partie de pêche.

Nous aurons aussi l’occasion de faire du ski sur la toundra (terrain cette fois parfaitement adapté, c’est-à-dire : plat) au parc territorial de Tombstone. Superbe souvenir ! Sur la route, on assistera également à la chasse d’un lapin par un lynx.

Dans ces espaces peu occupés, les rencontres avec la vie sauvage sont fréquentes et inopinées. Les cinq kilomètres nous séparant du centre-ville de Dawson se transforment régulièrement en safari animalier avec observation d’orignaux, renards ou lynx.

C’est comme cela, qu’un matin, alors que je me rendais tranquillement aux toilettes (sèches), j’ai eu la « bonne » surprise de tomber nez à nez avec une orignal et son petit. Après un bref échange de regards (difficilement interprétables chez l’orignal), j’ai fini par rentrer dans la yourte en criant à Geoffrey : « Il y a un orignal dans le jardin !!!! ». Nous les surprendrons ensuite pendant plusieurs jours à vagabonder autour de la yourte.

La Percy de Wolf

Dawson city est sur le trajet de la célèbre course de chiens de traineaux appelée la Yukon Quest. Cette course de plus de 1 600 kilomètres est décrite comme étant la plus difficile au monde. Son trajet suit l’ancienne voie postale utilisée lors de la ruée vers l’or de Whitehorse à Fairbanks (Alaska). Malheureusement, cette année, la frontière avec les Etats-Unis étant toujours fermée, elle a dû être annulée.

Nous retrouvons également Marcelle Fressineau, notre voisine d’Annie Lake et surtout, Flo, son handler et notre ami.

Nous échangeons avec lui des avantages et inconvénients du Yukon et sur une question qui nous taraude depuis plusieurs semaines : Est-ce que nous ne devrions pas rester au Yukon plus longtemps que prévu ?

Pour lui, son choix est fait pour les quelques années à venir, il reste. Flo et Marion se sont rencontrés en Colombie-Britannique et, ni l’un ni l’autre, ne souhaite rentrer en France. Et, contrairement à Geo, ils n’ont pas de travail qui les attend en France.

Tous les jours, nous pesons les pour et les contre. Geo va même jusqu’à se lancer dans la création de tableaux comparatifs complexes pour nous aider à prendre une décision ou des stratégies pour combiner les avantages des deux pays… On pourrait penser que ce choix repose sur deux éléments, le cœur (Yukon) et la raison (France), mais ce n’est finalement pas si binaire que cela.

(Petite parenthèse : Rédigeant cet article deux ans après (presque jour pour jour), nous savons désormais quel est l’un des principaux facteurs jouant dans la prise de décision… le courage). Ce printemps 2021, nous n’étions certainement pas prêts à tout quitter, de passer d’une situation stable et rassurante à une vie plus incertaine, certainement pas prêts à affronter un système administratif et culturel qui n’est pas le nôtre, de travailler dans un pays dans lequel nous avions finalement que voyagé. Nous savions ce que nous allions perdre et n’avions seulement qu’un aperçu de ce que l’on gagnerait. La marche était trop grande à franchir… à ce moment-là de notre vie.

Quant à Flo et Marion, leur principale interrogation était de savoir s’ils allaient supporter de vivre à deux, dans une cabine off-grid (sans eau et électricité). Peut-être que l’expérience magique que nous venions de vivre les rassurèrent dans leur choix…

Découvrez cette fameuse expérience au prochain épisode !