Road trip au Yukon

Road trip au Yukon

Trente jours… voilà le temps qu’il nous reste à passer au Yukon. Nous tentons de mettre de côté cette idée pour pouvoir profiter pleinement de chaque instant mais nous ne cessons de regarder les aiguilles de l’horloge tourner.

A notre arrivée au Canada, il y a treize mois, la notion de temps n’avait plus sa place. Aujourd’hui, les jours sont comptés et nous entamons ce dernier mois de voyage avec un sentiment totalement différent.

Le programme des quatre semaines à venir n’est pas encore défini. Nous avons simplement une vague idée des endroits que nous souhaiterions visiter.

Raccoon est réparé et semble prêt pour de nouvelles aventures. Comme après chaque souci mécanique, les premiers jours au volant de notre camion sont compliqués. Avouons-le, la confiance entre lui et nous est au plus bas… Le moindre bruit suspect, la moindre secousse, et la hantise de rester bloqués sur le bord de la route ressurgit. Il va pourtant falloir s’y faire, plus de 3 500 kilomètres nous attendent !

Mayo, notre première halte

C’est reparti, direction le sud ! Nous passons les cinq premiers jours à Mayo, dans une petite cabane en rondins, en compagnie de Roman et Gab’. Ici, le temps semble s’être arrêté. Jeux de société, randonnées, discussions autour du poêle à bois, canoë sur la rivière Minto, pêche et découverte du tir à la carabine ponctuent nos journées. Si seulement toutes les semaines pouvaient ressembler à celles-ci.

Nous les serrons une dernière fois dans nos bras* avant de reprendre la route. Après un premier arrêt aux Five Fingers pour observer les rapides du Yukon, nous faisons escale à Carmacks pour profiter des paysages bordant le fleuve. Nous descendons toujours vers le sud. Nous avions envie de retourner à Atlin et revoir Nathalie avant de partir. Raccoon avale les kilomètres sans broncher.

*(Roman, Gab’, on est super content de vous avoir rencontrer et d’avoir pu partager ces moments là avec vous. On espère vous revoir bientôt… au Yukon).

Un printemps à Atlin

Nous nous étions rendus à Atlin, chez notre amie musheuse, Nathalie, en plein mois de février sous un paysage totalement enneigé par -40°c.

Lorsque nous arrivons le 18 mai 2021, les températures sont positives, le soleil est radieux, la végétation est en pleine effervescence et les sources d’eau chaude nous paraissent « presque » chaudes.

Nous profitons de ces trois jours pour l’aider à lancer son propre jardin. Enfin, pour Geo, sa première journée se passe au lit, emmitouflé sous une multitude de couches, le poêle à bois est rouge vif. Il vient tout juste de recevoir sa deuxième injection de vaccin anti-covid.

Les « monstres » (chiots) ont bien grandi. Ils courent désormais dans leur propre enclos à l’extérieur. Profitant de notre proximité avec Whitehorse (180 kilomètres, c’est la porte à côté), notre ami Flo, nous a rejoint. Avec lui, nous partons à l’assaut des sommets environnants accompagnés de Punk.

Située aux pieds d’un immense lac et entourée de montagnes, Atlin est habitée par tout juste 400 âmes. C’est un petit coin de paradis où l’on pourrait bien se projeter à vivre.

Retour à Whitehorse

Nous sommes désormais à 14 jours du départ, il est temps de mettre en vente notre fidèle compagnon, Raccoon. À peine l’annonce postée que nous recevons déjà des dizaines de messages.

Premier rendez-vous et Raccoon est vendu dans l’heure, ou plutôt, réservé, car nous avons encore besoin d’un toit pour les deux semaines à venir. Soulagés, nous pouvons désormais profiter pleinement du temps qu’il nous reste jusqu’au moment du décollage.

Le matin suivant alors que nous nous apprêtons à réaliser une grande boucle de près de 1 000 kilomètres le long de la South Canol Road, Raccoon émet un bruit inhabituel au démarrage. Serait-il contrarié par le fait que l’on se sépare aussi facilement de lui ?

A plus de 400 kilomètres de Whitehorse, le moteur se coupe en plein milieu de la route. Un tour de clé et il repart. Quelques kilomètres plus loin, le phénomène se reproduit… Peu rassurés, nous finissons par rebrousser chemin et retourner en direction de Whitehorse pour le faire inspecter par un garagiste. Tout juste arrivé et voilà que c’est désormais la transmission qui émet un bruit anormal avant de bloquer le passage des vitesses sur la 3ème…. Décidément, rien ne va plus. Nous passons une journée à faire le tour des différents garages avant de terminer chez Ford, le premier à pouvoir inspecter Raccoon… dans 10 jours. Nous tenons informés le potentiel acheteur de nos récents déboires.

Plutôt que de rester bloqués sur le parking de Ford (la première nuit dans le van sur le parking ne fût pas de tout repos), nous décidons de louer une voiture afin de profiter, coûte que coûte, des derniers jours restants.

Fini donc le vieux tacot, faites place au dernier SUV Ford ! Par chance, nous arrivons même à faire tenir nos matelas, la tente, le canoé, le réchaud, nos jerricanes d’eau, les cannes à pêche et nos réserves de nourriture pour les 10 jours à venir.

Un nouveau départ

Au volant de notre SUV dernier cri, la peur de tomber en panne est vite oubliée. Nous prenons la direction de la White Pass, au sud du Yukon, en direction de l’Alaska. Ici, en altitude, les paysages sont encore recouverts d’un manteau blanc. Nous randonnons le long de la voix de chemin de fer, toujours empruntée pendant la saison estivale à des fins touristiques.

La frontière Canada/Etats-Unis étant toujours fermée (en raison du COVID), nous sommes contraints à faire demi-tour à quelques kilomètres du poste de douane.

Au retour, nous avons les yeux rivés sur les flancs de montagne à la recherche de la fameuse « White Mountain Goat ». Entre deux Grizzlis, trois ours noirs, nous finissons par apercevoir la fameuse chèvre. Jumelles sorties, nous profitons du spectacle qui s’offre à nous.

Après la neige, le sable.

Après avoir rempli les chaussures de poudreuse, quoi de mieux que d’aller faire un tour dans le désert de sable de Carcross. Le Yukon nous réserve tellement de surprises ! On se croirait presque dans une autre contrée. Dans ces moments-là, tous les soucis matériels sont mis de côté et vite oubliés.

Kluanee National Park

S’il y a un lieu que nous souhaitions absolument découvrir dans notre top liste du Yukon, c’est bien le parc national de Kluanee, connu pour ses montagnes abruptes, ses grizzlis et ses eaux turquoise.

A notre arrivée, nous tombons instantanément sous le charme de ses paysages, conformes à nos attentes.

 « Lac Saint-Elias », « King’s Throne », « Sheep creek » et « Auriol », autant de randonnées que nous avons arpentées pendant ces trois jours. Le territoire est immense et le temps nous fait défaut. Nous ne ferons finalement que survoler le parc national, nous limitant à des randonnées journalières. Et pourtant, plusieurs grands itinéraires, réalisables en plusieurs jours, nous auront bien tapés dans l’œil.

On en profite également pour faire quelques sorties canoë/pêche sur des lacs transparents couleur émeraude. Geoffrey est conquis par les truites et moi, par la beauté des paysages.

Retour à Whitehorse, encore et encore

Nous rentrons finalement sur Whitehorse prendre des nouvelles de notre maison roulante. Mike, le mécanicien, nous ouvre les portes du garage. Raccoon est sur la table d’opération, à nu, la transmission complètement désossée. D’après Mike, son état est jugé critique, la transmission est complètement HS et des capteurs sont également à remplacer dans la partie moteur. Rien de bon ! Les réparations s’élèvent à plus de 5 500 $, la pièce n’est pas disponible, il y a 4 semaines d’attente, l’acheteur potentiel vient de se désister et nous sommes à cinq jours du départ. Comme si cela ne suffisait pas, Mike nous informe que nous avons 24 h pour prendre une décision, engager les réparations ou bien remorquer notre tas de ferraille, loin de leur parking… rien ne va plus ! La panique finit par s’emparer de nous.

On essaie finalement de se consoler, nous avons passé les 14 derniers mois à parcourir plus de 35 000 kilomètres à travers le Canada sans aucun pépin majeur ou presque. Que cela arrive cinq jours avant notre départ n’est finalement pas si grave, nous en aurons bien profité. Et puis, si c’était à refaire, nous referions la même !

Geoffrey passe finalement l’après-midi à poster des annonces ainsi qu’à recontacter des acheteurs. Deux visites dans l’après-midi… deux échecs. En même temps, qui serait prêt à acheter un véhicule non roulant, sans aucune inspection et sans même pouvoir tourner la clé pour vérifier que le moteur démarre ? Tout repose sur l’honnêteté et la confiance…

Finalement, la troisième visite sera la bonne. Mike, le garagiste, vient également rassurer l’acheteur sur le bon état général du véhicule. Le moment de sauter de joie n’est pas encore venu, le compromis de vente doit être signé le lendemain matin. Mike sort Raccoon du garage avec un transpalette pour que nous puissions y passer la nuit dedans. Ce soir, nous ne trouverons pas vraiment le sommeil.

Au petit matin, le grand soulagement, nous recevons notre chèque et la vente est signée. Qui aurait cru que l’on soit si contents de se « débarrasser » de Raccoon comme ça ! Nous, qui étions si attachés à lui, au point d’hésiter à le garder. Avec les mésaventures des dernières 24h, nous sommes à peine tristes de nous en séparer (pour être honnête, c’est plutôt un soulagement). Après l’avoir vidé et nettoyé, nous jetons un dernier coup d’œil à notre van et nous le laissons là… non roulant, sur le parking du garage Ford de Whitehorse. Nous avions imaginé une fin plus heureuse…

« Edit : Nous apprendrons cinq semaines plus tard qu’il est sorti du garage, sur ses quatre roues, en parfait état et prêt à reprendre du service ! »

Snafu, un petit coin de paradis

Il nous reste désormais quatre jours avant de terminer notre grande aventure. S’il y a bien un lieu qui nous a marqué au Yukon, c’est « Snafu ». Difficile de trouver les qualificatifs justes pour décrire ce lieu. C’est tout simplement un petit bout de paradis sur terre.

Snafu est situé sur la route d’Atlin, à 1h30 de Whitehorse. C’est un complexe de lacs interconnectés par des rivières. Tous les éléments que nous affectionnons sont réunis en ce même lieu : des barrages de castors, des baies aux eaux turquoise, des petits îles, des cabanes en bois, des pins tordus, des brochets, des ours et des montagnes enneigées au loin. Pour nous, il incarne notre définition du « Wild » accessible par le commun des mortels. Il s’agit de l’un des nos endroits préférés.

A bord de notre SUV, nous arrivons en début de soirée sur la berge du premier lac. Pendant que les Chamallow grillent sur le feu de bois, Geoffrey prépare les affaires et le canoë pour l’expédition à venir. Nous avons prévu de passer trois jours en autonomie à naviguer de lac en lac. Sereins et soulagés, nous avons une seule envie, profiter de chaque instant et terminer cette aventure en beauté !

Il est 8h00, je donne mon premier coup de pagaie. Nous traversons rapidement un lac puis nous en rejoignons un second via une petite rivière.

Des barrages de castors sont installés ici et là. Après le troisième lac, le débit de la rivière est trop rapide et nous décidons de tracter le canoé depuis la berge.

Devant nous, apparait un nouveau lac aux eaux turquoise sur lequel est disposée une multitude de petites îles. Nous sommes seuls, ou presque. Un autre couple de kayakeur ainsi qu’un guide de pêche, voilà les seuls rencontres que nous ferons sur l’eau. Ce midi, nous accostons sur une île pour le pique-nique. Comme le diraient certains : « Il est là le bonheur ! ». On s’émerveille à chaque anse et on part explorer chaque recoin de ces lacs. Parfois, les rivières sont complètements obstruées par des barrages de castor, nous obligeant à porter tout notre matériel par-dessus.

Geoffrey nage en plein rêve. Il pêche des brochets à vue avec sa canne à mouche et fouette dans tous les sens. Je pense qu’il n’a jamais attrapé autant de brochet de toute sa vie de pêcheur. Avec cette eau translucide, les attaques de brochets sur sa mouche sont impressionnantes.

Le soir venu, le spot que nous avions repéré dans l’après midi est déjà occupé par un plantigrade plutôt imposant. Pas vraiment rassurés, nous optons pour l’option B : une île au milieu du lac (tout en sachant que les ours sont également de très bon nageurs).

Bivouac, feu de camp, bières, coucher de soleil, deux aventuriers heureux… tous les ingrédients sont réunis pour une soirée parfaite. Il est 1h00 du matin, le soleil n’est toujours pas couché et Geoffrey est encore avec sa canne à la main à faire le tour de notre îlot de 100 m². Il finira par rentrer dans la tente vers 2h30.

Le lendemain nous remettons ça et partons explorer les lacs plus à l’Est (enfin Geo était déjà debout depuis 4h afin de pêcher encore et toujours plus). Sur une berge, nous croisons le chemin de l’architecte de ce complexe… Monsieur Père Castor ! Les baies sont magnifiques, difficile de croire que nous sommes au Yukon, en plein cœur de la forêt boréale.

Comme si tout cet enchantement était sans fin, Geoffrey découvre des morilles à proximité du feu de camp. Il s’agit du champignon dont nous avions tant entendu parler à l’automne et qui manquait à notre tableau de chasse. C’est désormais chose faite !

Après ces trois jours de bonheur à naviguer, il est temps de rentrer sur Whitehorse pour préparer notre retour.

Un décollage douloureux

Nous arrivons chez Flo et Marion en milieu d’après-midi. Ils nous hébergent pour la soirée. Nous étalons toutes nos affaires sur le sol. Choix compliqué, car nous n’avons que deux bagages de 23 kilogrammes chacun. Que prendre ? Que laisser ? Que ramener en France ?

Une heure plus tard, les sacs sont paquetés. Geoffrey part pêcher une dernière fois avec Flo dans un lac à proximité de la cabane tandis que je passe la fin d’après-midi à discuter avec Marion. Les deux compères reviennent ravis, avec un touladi (truite grise) qui accompagnera le brochet ainsi que le corégone que nous avons ramenés de Snafu. Nous passons la soirée à discuter tous ensemble avant de finir par trouver le sommeil.

Au petit matin, direction l’aéroport de Whitehorse où nous déposons notre SUV de location. Nous passons la sécurité. Tout se déroule comme sur le plan. Les tests COVIDS que nous avons réalisés la veille (obligatoires et payants…600 $) sont validés et nous embarquons dans l’avion. Nous avons désormais 48 heures de transport avant de rejoindre la France : Whitehorse – Vancouver ; Vancouver – Montréal, Montréal – Paris, Paris – Orléans…

L’avion s’élance sur la piste et les roues finissent par flotter dans les airs. Cet instant marquera définitivement le clap de fin de notre voyage. Nous survolons, les larmes au yeux, Snafu, Atlin, le Yukon, les Rocheuses. Les paysages défilent sous nos yeux ainsi que les souvenirs des 14 derniers mois qui les accompagnent. Silence radio dans l’avion, nous ne trouvons pas les mots.

La fin du voyage a comme un goût amer… l’envie de rentrer n’est pas là (bien que les proches nous manquent). Les longues heures d’avion et d’escales qui nous attendent ne font qu’amplifier ce sentiment. Il y a six mois, nous aurions été tout excités à l’idée de rentrer en France… entre temps, le Yukon est passé par là.

Est-ce vraiment le bon choix ? Pourquoi ne pas simplement écouter son cœur ? Qu’en sera-t-il de la vie en France ? Parviendrons-nous à être heureux ? Quels projets nous feront vibrer ? 

Retour en France

Nous atterrissons à Paris en milieu de matinée, sous 35°C. Le choc est soudain, brutal et inattendu. Les gens se bousculent à l’aéroport, la circulation est dense, les klaxons retentissent, la chaleur est étouffante et les immeubles omniprésents. Le goudron et le bitume forme une masse grise continue où ne perce le moindre brin d’herbe. On se sent ailleurs, complètement déconnectés de cette réalité. Nous sentons que les jours, les semaines et les mois qui nous attendent s’annoncent difficiles.

Heureusement pour nous, Valentin (le frère de Geoffrey) et sa femme, Estelle, sont là pour nous accueillir à la descente du bus, une pancarte à la main ! Encore perdu dans nos paysages Yukonnais, Geoffrey passera même à côté du ventre arrondi d’Estelle…

Dans 10 jours, nous retournerons en Haute-Savoie, retrouver les montagnes, les amis et le travail pour Geoffrey. Après 14 mois d’aventure outre-Atlantique, il faudra se réacclimater à notre vie d’avant, à son quotidien, sa routine, ses impératifs, ses mœurs… A l’extérieur, rien n’a changé, sauf peut être la coupe de cheveux de Geoffrey, mais à l’intérieur, ce sont deux autres personnes qui posent les pieds en France. L’envie de voyage est toujours là, le goût pour l’aventure est plus fort que jamais et l’appel du “Wild” ne cesse de résonner en nous… Combien de temps résisterons nous à cette tentation ?

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