Le jour où notre voyage a basculé

Le jour où notre voyage a basculé

Bonjour à tous ! Vous êtes nombreux à nous avoir demandé de nos nouvelles en ces temps compliqués !

Mardi dernier, nous sommes descendus à New York en covoiturage pour une visite familiale (chez le bro’ et sa petite famille que nous n’avons pas vus depuis bientôt 2 ans). L’excitation est au rendez-vous et nous avons hâte de voir à quel point le nouvel arrivant de la famille a grandi 😉 .
Alors que le climat à Montréal était plutôt calme et détendu, nous débarquons à Brooklyn, en fin de journée, dans une rue grouillante et animée, le tout, sous une symphonie de sirènes et de klaxons. Aucun doute, nous sommes bien à New-York !
D’ailleurs, les doudounes et les bonnets de Montréal nous paraissent très loin sous les 20°C New-yorkais.

Comme deux poissons hors de l’eau…

La joie passée des retrouvailles familiales (au passage un grand merci pour votre accueil), les 10 prochains jours qui nous attendent nous semblent compliqués. Lâchés dans un environnement qui n’est pas le notre, on se sent vite comme deux poissons hors de l’eau. Nous tenterons vainement de nous réfugier dans les parcs et les espaces verts de la ville mais, très vite, nos envies de grands espaces, montagnes, forêts et lacs nous rattrapent. S’ensuit une longue série de pensées négatives dans laquelle nous nous entrainons l’un l’autre.

Précisons que c’est la deuxième fois que nous visitons New-York. L’excitation des grands buildings et des hot-dogs à chaque coin de rue ne sont donc plus au rendez-vous…

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Les pensées négatives mises de côté, nous nous réjouissons du beau temps, des quartiers hipsters de Brooklyn, de Manhattan (vu de loin tout de même 😉 ) des promenades et du temps passé en famille !

Une crise est en cours

Dès notre arrivée, ce que nous venions de fuir en France semble vouloir nous rattraper : le COVID-19.
Le lendemain de notre arrivée à New York, Donald Trump annonce la fermeture des frontières des USA. Les entreprises mettent en place le télé-travail, le métro se vide, nos billets pour Broadway s’envolent, la bière tant espérée de la Saint-Patrick ne coulera pas, les gens font des réserves de PQ et achètent des armes… Bref, ça sent mauvais !
Nous avancerons alors notre départ un peu plus chaque jour jusqu’à ce fameux lundi noir.

Le compte à rebours est lancé !

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[H – 48] Dimanche soir, après une super rando en famille surplombant la vallée de l’Hudson River, nous rentrons sur New-York, les grands axes sont vides, nous sommes inquiets.
[H – 40] Au réveil, lundi matin, la décision est prise, il faut rentrer au plus vite sur Montréal avant que les choses ne s’enveniment. Et puis, sans ses sacs (sous entendu sa maison), sa tente, son duvet et sa canne à pêche laissés à Montréal, Geoffrey se sent démuni. Il semble particulièrement inquiet.
A cet instant, la France rentre en confinement enfin en quarantaine.
Nous réservons trois covoiturages, en vain, puis un dernier qui daigne accepter et nous sautons dans le premier métro pour rejoindre le point de rendez-vous.
[H – 37] En chemin, le covoitureur nous annonce qu’il ne souhaite plus nous prendre, car Français que nous sommes, nous pourrions être porteurs du fameux virus. Nous essayerons de l’appeler plusieurs fois pour plaider notre cause, sans succès. Il est midi, nous sommes au milieu de New-York (toujours déserte), avec nos sacs, nous filons à Penn Station. Tous les trains sont annulés pour 15 jours…
Nous rejoignons la gare routière et réservons un bus pour Montréal, départ prévu à 20h.
[H – 35] Il est 13h, le premier ministre Canadien annonce la fermeture des frontières, exception faite des citoyens Canadiens et Américains. La mesure rentre en application le mercredi 18 mars à 00h01, il nous reste 35 heures !
Ni une ni deux, nous avançons notre départ en prenant le premier bus, à 18h30.

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[H – 29] A l’heure du départ, le conducteur nous indique que la frontière est “closed” et nous demande si nous sommes sûr de vouloir embarquer. Ne comprenant pas très bien sa remarque puisque les frontières ne sont sensées fermer que dans 29 heures, nous lui répondrons d’un ton assuré : “Yes, we want !”
[H – 25] Nous faisons alors un premier stop de 20 minutes à Albany (2-3h de route de New-York). Au moment de remonter dans le bus, le conducteur commence par séparer les passagers au passeport Canadien des autres (en écrivant, je me dis que nous aurions mieux fait de dire “canadian”). Nous sommes tout un groupe mis de coté et le couperet tombe : impossible de remonter dans le bus !
On s’énerve, on s’agace, le ton monte, des policiers approchent, nous écoutent et discutent avec le conducteur. Il sera finalement impossible de remonter dans ce bus, les policiers nous présentent deux solutions :
– Attendre 2 heures le prochain bus appartenant à une compagnie différente, qui n’a donc peut-être pas reçu les mêmes directives,
– S’il refuse de nous prendre, redescendre sur NYC…
Nous choisissons de tenter le coup. Il est minuit, le second bus arrive. Les passagers descendent. Nous observons le conducteur discuter avec le chef de gare… Encore une fois, ça ne sent pas bon. Au moment de monter, le conducteur refuse de nous prendre. On s’énerve, on fait le forcing. Il nous affirme qu’il risque 5 000 euros d’amende par personne et la perte de son emploi si nous montons. Dans ma tête, je me dis : “mais c’est quoi son problème, il crois qu’on est sans papier ou quoi ??!”
Il est minuit, il finit par accepter à condition de nous déposer à Plattsburg, 35 km avant la frontière. Je regarde Geoffrey, ferions-nous pas mieux de redescendre à NYC ? Nous décidons finalement de rester groupé (entre sans papiers) et d’aller au plus proche de la frontière.
Je regarde à travers la fenêtre du bus, les yeux grands ouverts, dopée par l’adrénaline de ces interminables rebondissements.
[H – 20] Il est 4h du matin, le bus s’arrête à une station service, en amont de la ville. A notre grande surprise, quasiment toutes les personnes du bus descendent. Enfin, pas vraiment toutes : nous (les 5 européens et 1 canadienne accompagnante) et plusieurs familles blacks qui semblent avoir avec elles toute leur vie.
Un taxi attend déjà sur place pour une des familles, nous demandons au conducteur d’en appeler un autre pour nous (là aussi, je me dis que nous aurions peut-être mieux fait d’appeler nous même).
A ce moment, je dresse un portait de la situation : nous sommes maintenant loin de New-York, à 4h du matin, au bord d’une station service fermée et le climat n’est pas le même, il vente, il neige, le sol est gelé.
La taxi (ce que nous qualifierons par la suite de passeuse) arrive et nous lui demandons de nous conduire à la frontière. Elle nous répond que celle-ci est fermée et nous dit alors : “Do you want to go to the illegal border ?”.
Une nouvelle fois, je me dis : Mais WTF ! Elle aussi, elle croit qu’on n’a pas de papier ou quoi ?
Nous sommes 7 et elle nous demande 50 $ par personne (en cash of course), mais à ce moment précis, la notion d’argent ne compte plus (votre prix sera notre prix). En chemin, nous insistons bien pour qu’elle nous dépose à la frontière légale, quitte à se voir refuser l’entrée par les gardes frontières (le risque de se voir être interdits de séjour aux USA et au Canada est trop grand).
Un silence de plomb s’installe dans le taxi, il neige, à ce moment-là je ne pense plus qu’à arriver à la frontière et mettre fin à cette nuit cauchemardesque. Elle nous débarque 100 mètres avant la frontière.
[H – 21] Nous marchons sur la route jusqu’aux barrières, c’est désert, je me demande sérieusement si les gardes-frontières ont abandonné leur poste. Il est 5 heures du matin, nous franchissons les barrières à pieds, des agents sortent de leur guérite et nous éclairent. Ils sont ahuris, nous interrogent sur notre présence incongrue. Nous leurs racontons notre périple. Désormais équipés de masque, l’inspection de nos papiers et visas peut commencer. L’autorisation de rentrer sur le territoire Canadien nous est donnée, elle arrive aussi soudainement que l’annonce de la fermeture… C’est fini, il est temps d’ouvrir les yeux, le cauchemar prend fin !
Nous reprenons un bus pour Montréal. 7h30, heure de pointe, mais aujourd’hui la ville est déserte. Nous arrivons à l’appartement, il fait chaud, le canapé est déplié (merci Vincent, <3), on s’endort, il est 8h. Il nous aura fallu au total 21 heures pour rejoindre Montréal.

Cette nuit marquera le tournant de notre voyage

Au réveil, nous réalisons l’ampleur de la crise, les frontières sont fermées, ici comme en Europe, les administrations Canadiennes (dont les bureaux d’immatriculation de véhicule) ont les rideaux fermés, les parcs nationaux ne sont plus ouverts et la vie tourne au ralentie.
A cet instant, nous réalisons que le voyage que nous avons tant attendu aura un autre goût (mauvais ? non, mais différent c’est sûr). Un an à imaginer notre aventure en van, la découverte des grands espaces, la sensation de liberté… et puis d’un claquement de doigt tout s’écroule. La question se pose de rentrer en France et de mettre fin à ce projet de vie, conscients que le voyage, s’il est encore possible à l’heure où nous écrivons ces lignes, ne sera pas celui qu’on a espéré. Ce n’est pas tant la crise sanitaire qui nous fait peur (malgré les chiffres effrayants que nous entendons en Europe) mais l’Après, comment l’économie pourra-t’elle se reconstruire ? sera-t-il réellement possible de sortir de confinement dans 1 mois ? et si cette crise perdurait plus longtemps ? quand et dans quelles conditions sera-t’il possible de reprendre ce voyage en cas de retour en France ?

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Une chance à saisir

Après quelques jours de réflexion, nous prenons conscience de la chance que nous avons d’être en pleine santé, d’être tous les deux ensembles et d’avoir encore la liberté de choisir ce que l’on souhaite faire. Les sourires reviennent, le moral monte en flèche.
La décision est prise, l’aventure continue, très certainement sous une autre forme, avec d’autres projets et de façon certaine, avec encore plus d’incertitudes et de rebondissements…

7 réflexions sur « Le jour où notre voyage a basculé »

  1. Coucou les amis nous ici tout va bien malgré ce qui se passe. Lalou et Leïla vont très bien et vous font plein de bisous ce qui devrait vous remonter le moral et vous donner du courage pour al suite le temps que tout ça passe. pour ma part télétravail à la maison depuis le 17/03/2020 et on sort juste pour acheter noter pain (hé oui on est de vrai français) et pour sortir les poubelles jusqu’au local dans la résidence. ça permet quand mm de prendre un peu l’ai et de profiter du soleil de la semaine dernière et de la chaleur car oui nous on peu mettre les shorts on a pas de gel ni de neige.
    Heureusement tout de même que vous ayez pu rejoindre Montréal profitez à fond de votre périple et je suis persuadé que vous allez trouvé votre VAN 😉

    Plein de bisous de notre petite family on pense fort à vous.
    Leïla, Lalou et Greg <3 <3 <3

  2. Waouh quelle péripétie pour rentrer au Canada…
    J’imagine l’angoisse…
    Courage en tout cas et profitez malgré tout de votre voyage.

    1. Ben cela a été juste!!!
      Bon vous connaissant faites gaffe car si vous décidez l’aventure à pied en ce moment les conditions météo peuvent très vite changer et le redoux actuel (-5°C à Yelleowknife) ne doit pas vous faire prendre de risques.
      Ah j’allais oublier j’ai pris les billets pour Yellowknife pour conjurer le mauvais sort, donc si tout va bien on aura 1 journée pour se voir le 1er août avant notre décollage pour le grand wild!!
      Courage à vous deux

  3. Ce texte m’a fait tellement froid dans le dos… en le lisant j’avais l’impression d’être avec vous en pleine galère et j’avais presque la larme à l’oeil au dénouement de votre péripétie quand le lit vous attend au chaud!! (chapeau à celle, celui ou vous 2 qui avez écrit ce texte!) en tout cas contente pour vous que tout aille bien maintenant! profitez de l’air canadien, des grands espaces et vous l’aurez votre vanE la patience payera 😉 des bisous les copains

  4. Merci pour ces nouvelles. Cette période et ses conséquences sont déjà gigantesques. C’est un choix courageux qui vous faites, il se révèlera payant, c’est certain !! De gros bisous à tous les deux !!

  5. Salut les Aventuriers, quelle détermination!! Merci Laure de nous faire partager cet événement façon Polard. On avait le poil dressé sur les bras. On a de vos nouvelles en “off” par Les Bibil et ils sont soulagés de vous savoir enfin posés quelque part. “C’est quand même pas un virus” qui va anéantir un périple aussi longuement préparé. Dans un sens vous vouliez de l’aventure et ben vous en avez pour votre argent. Ne nous contactez pas d’ailleurs si vous en manqué !Hi Hi… Nous sommes de tout cœur avec vous. On vous embrasse très fort et prenez soin de vous. Tontonton

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