Rocheuses, entre clichés et réalité

Rocheuses, entre clichés et réalité

Nous voici sur la grande route des Parcs Nationaux du Canada dont les noms ne vous sont surement pas inconnus : Banff, Jasper, Yoho… Une rapide recherche Google sur l’Ouest Canadien et la majorité des photos que vous observerez sont prises dans ces parcs.
Nous appréhendons cette partie du voyage. Qui dit « parc », dit « tourisme », qui dit « tourisme » dit « foule », qui dit « foule » dit « selfie », qui dit « selfie », dit… bon Geo m’a conseillé d’arrêter là.

Après des semaines de canicule, une dernière nuit chaude à supporter Geoffrey hurler contre les brûlots (insecte de type moustique quasiment invisible en raison de sa taille aussi grande qu’une tête d’aiguille), le ciel s’est couvert et une pluie fine vient rafraichir la soirée.

Nous commençons cette aventure par le parc de Revelstoke, l’un des moins fréquenté des Rocheuses. Nous ferons l’unique randonnée du secteur d’une vingtaine de kilomètres. Décor grandiose, succession de lacs, prairies d’alpage fleuries et vue panoramique sur les sommets avoisinants.

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L’inconvénient de ces parcs (hormis leur fréquentation), est qu’il est interdit de bivouaquer ou même de passer la nuit dans son véhicule (sauf dans les campings officiels bien sûr). Fini les sites récréationnels gratuits où nous pouvions tranquillement nous détendre en fin de journée. Nous devons désormais trouver de petites places discrètes dans les parcs, confinées entre l’autoroute (la Transcanadienne évidemment) et la voie de chemin de fer (le Canadian Pacific Railway). Donc au choix, un flot continu de camions ou bien, un train toutes les heures… On opte pour le train !

On poursuit notre route avec le parc des Glaciers. Une étape qui vaut largement le détour ! Plusieurs randos sont possibles, on part sur l’Asukan trail, un chemin qui serpente dans une vallée entourée de glaciers. Ça monte sévère (1000 mètres sur 7 km), j’ai donc droit aux moqueries de Geo, qui me compare à un camion canadien (vous remarquerez sa gentillesse), c’est-à-dire, qui se traine dans les montées et qui fonce à toute vitesse dans les descentes (chacun sa technique).

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Ces premiers parcs sont une bonne surprise et nous rappellent le décor des Alpes, paysages vertigineux et sites peu fréquentés, nous sommes dans notre élément.
Arrive ensuite le parc de Yoho… Là, les choses se gâtent. Il est plus connu, on y retrouve quelques images clichées des cartes postales Canadiennes, et évidemment, le tourisme de masse qui l’accompagne (dont on fait partie) qui se rue pour prendre la même photo que dans les guides touristiques.
Tout est organisé dans ce sens. Un parking gratuit 30 minutes à 25 mètres de « la photo » et c’est dans la boite !
Malgré cela, il faut tout de même reconnaître… c’est magnifique. Un grand lac d’une couleur émeraude intense (appelé « le lac émeraude ») entouré de montagnes. Pas besoin de renforcer la saturation des photos, c’est naturel !
Et puis, il suffit de « s’aventurer » à 300 mètres du parking pour perdre la foule qui n’ose pas sortir du secteur goudronné. Ainsi, tu peux t’imprégner et profiter tranquillement du cadre.

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Le troisième jour, ça se complique, nous avions prévu une longue randonnée, mais il pleut des cordes. Geo veut profiter coûte que coûte (quitte à se retrouver les cheveux frisés), mais moi, je n’ai pas envie d’être trempée… Bref, après une bonne dispute (bah oui, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille), nous prenons la direction du parc de Banff qui abrite, en quelque sorte, la tour Eiffel du Canada : le lac Louise !
Nous filons à « Banff », la ville. L’autoroute qui y mène est bordée sur des kilomètres d’un grillage de 2 mètres de haut, seule véritable solution pour protéger la faune des pare-buffles des camions. On s’interroge sur l’impact écologique d’une telle frontière (un parc national véritablement scindé en deux). Quelle solution est la moins impactante ? Un cloisonnement des populations ou des centaines d’accidents ? Les opérateurs du parc s’occupent néanmoins de couper la circulation sur l’autoroute et d’ouvrir les barrières à raison de quelques heures plusieurs fois dans l’année pour permettre la circulation des animaux (notamment en période de reproduction selon les espèces). J’imagine un instant les animaux attendre devant la barrière comme un premier jour de solde…
Il n’en reste que la ville de Banff est plutôt sympathique. En raison du Covid, elle est moins fréquentée et le centre a été piétonnisé pour l’occasion, mesure de distanciation oblige.

Il est 19h, nous avons omis de réfléchir à notre lieu de campement. Interdiction de dormir dans le parc comme dans la ville. On compare le tarif des amendes et on opte pour la ville, ahah ! Après un diner au bord d’un lac le long d’une route tranquille, nous avançons incognito, tous phares éteints sur un parking repéré un peu plus tôt, face à la ligne de chemin de fer (toujours la même).
D’ailleurs, petit détail que je n’avais pas encore abordé mais qui ravira les plus passionnés d’entre vous (c’est-à-dire mon père ^^). Les trains au Canada ne sont « pas comme les autres », ils comportent plus d’une centaine de wagons, ce qui, d’après un rapide calcul, signifie qu’ils mesurent environ 3 kilomètres de long. S’ajoute à cela qu’ils sont capables de porter deux containers superposés par wagon, là, c’est rentable (enfin j’imagine) !
Bref, autant vous dire que vous avez le temps d’ouvrir un bouquin et d’en lire un chapitre lorsque vous avez la malchance d’en croiser un au passage à niveau.
Comme prévu, entre les trains et le stress d’être réveillés par un policeman, nous n’avons pas très bien dormi (voire pas du tout pour Geoffrey).
Départ 6h00 du parking, direction le fameux lac Louise pour la randonnée des Six Glaciers. Il est 7h00 lorsque nous arrivons au parking du lac et la foule est déjà incroyable, les parkings presque pleins. J’ai du mal à imaginer l’affluence en temps normal (lorsque les frontières sont ouvertes au tourisme international).

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Nous marchons jusqu’au lac Louise, on fait un peu tâche avec notre équipement de rando. On partage la vue avec les premiers touristes. Un petit effort mental (faire abstraction des gens autour de nous et de l’hôtel horrible dans notre dos) et la vue sur ce lac vert laiteux est splendide.
S’ensuit la randonnée qui nous permet de perdre 80% de la foule.
L’accès au lac Moraine, l’étape suivante, est fermé (parkings complets ou raison autre, on ne saura pas). Nous sommes un peu déçus, d’après les cartes postales, il semblait plus « sauvage » que le Lac Louise.
On décide de poursuivre notre aventure vers le nord, en direction du parc de Jasper. La route s’appelle la route des Glaciers. Elle est vraiment incroyable et pas si fréquentée que ça. Elle chemine dans une vallée coincée dans les Rocheuses où défilent glaciers, falaises abruptes, rivières, lacs turquoise, ours noirs…

Alors qu’on s’arrête sur un parking en forêt pour manger, je descends du van et me dirige sur un chemin menant à un lac. Le trouvant un peu étriqué, je commence à hurler naturellement : « Barrez-vous les ours ! » (Super technique infaillible lol). Bizarrement, je reçois une réponse étrange : « Laure, un ours ! ». Je me retourne dans la direction du van, ne voit rien, ni Geo, ni ours, et n’étant qu’à 4 mètres du véhicule, je me précipite dedans (sachez qu’il ne faut absolument pas courir à la vue d’un ours, mais on ne maitrise pas toujours sa peur). Geo est de l’autre côté, tel un aventurier, terrorisé et cramponné à la portière et observe l’animal qui est seulement à quelques mètres de lui. L’ours n’en a visiblement rien à secouer de notre présence, il farfouille tranquillement dans les bois et finit par traverser le parking.
On changera de spot pour manger, je n’étais pas super à l’aise à l’idée de cuisiner avec un ours à 10 mètres du véhicule.
Puisque nous sommes dans les anecdotes, je vous raconte la meilleure. Une semaine après cet évènement, nous sommes installés paisiblement au bord d’une rivière. Sandwich à la main, petits moelleux au chocolat sur la table, on papote tranquillement. Soudain, un grognement derrière moi que je suis la seule à entendre, je tourne la tête, je distingue vaguement une grosse boule noire ! Je cris : Un ours ! Geoffrey détale comme un lièvre renversant les moelleux sur son passage sans même comprendre ce qu’il se passe. Dans ces instants, c’est un pour tous et … un pour tous.
On se retrouve tous les deux dans le véhicule. Geoffrey ne comprend pas, puis je me mets à éclater de rire. La boule noire, n’était autre qu’un gros chien… Vous pensiez à de vrais aventuriers, les voilà ! Dehors, un ouragan (enfin Geoffrey) a tout balayé sur son passage. Les chaises sont retournées, les moelleux par terre, les sandwichs éclatés et le chien est assis là, paisiblement, à nous regarder cloitrés dans le véhicule sans comprendre la situation. Heureusement pour nous, personne n’a assisté à cette scène, faute de quoi, vous auriez déjà vu notre vidéo faire le buzz sur le net. Fin de l’anecdote.

Je vous invite à regarder les photos, qui en diront plus sur le paysage, car à force, les adjectifs me manquent.

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Quelques jours plus tard, le 10 août, nous aurons droit à une chute des températures et à nos premiers flocons. J’étais loin de m’imaginer que ce tournant marquerait la fin de l’été et le début de l’hiver (enfin l’automne Canadien). Depuis ce jour, je n’ai plus quitté la doudoune…

Nous quittons Jasper, dernier parc national. Nous traversons de nouveau les Rocheuses par la « Red pass » près du Mont Robson, plus haut sommet de cette chaine montagneuse, qui forme un immense rempart enneigé. L’une des randonnées les plus convoitées du Canada débute à ce col. Le nombre d’accès par jour est limité, une réservation plusieurs mois en avance est nécessaire. Grâce au Covid, aucune réservation n’a été possible. Nous arrivons le matin même et prenons un « pass » pour trois nuits. Nous voilà partis ! Nous sommes super contents car jusqu’à maintenant, nous n’avions pas vraiment eu l’occasion (le courage plutôt) de sortir la tente. Après 22 kilomètres, nous arrivons au pied du Mont Robson et admirons le glacier du même nom se jetant dans le lac.

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L’observation des glaciers me donne toujours un sentiment mitigé entre l’émerveillement et la tristesse. L’émerveillement de voir cette immense langue de glace dégoulinant du pic dont les impressionnants craquements résonnent dans toute la vallée, et la tristesse de le voir fondre à vue d’œil, de découvrir toute la roche laissée à nue et se dire que 10 ans plus tôt, il s’étalait sur 50 mètres en aval.

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Difficile d’imaginer l’envergure de ce colosse, et encore plus, d’envisager sa taille dans 30 ans. Je suis sûre de moi lorsque j’écris que nous sommes la dernière génération à le voir tremper dans l’eau. D’ici que nos enfants viennent le voir, il sera très différent.

Après une nuit passée au pied du glacier, nous laissons notre tente ici, en compagnie d’un porc-épic. Nous continuons notre chemin vers la Snowbird Pass qui nous offre une superbe vue sur la face nord du rempart.

Des touffes de poils blanches sont accrochées aux arbustes. Nous sommes sur la trace de « moutain goats », des chèvres de montagne toutes blanches, emblèmes du Mont Robson. Je croise les doigts pour avoir la chance d’en observer, scrute sans relâche les crêtes autour de nous, mais rien. Puis, sur le chemin du retour, elles sont là ! Je suis super contente ! Un peu loin pour les prendre en photo, mais le souvenir est là.
La météo est désormais mitigée, nous passerons une nuit sous la pluie et prendrons le chemin du retour. Finalement, 62 kilomètres, 2100 mètres de dénivelé et des souvenirs formidables.

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Pour conclure sur ces parcs, ce paysage de carte postale est une étape incontournable d’un voyage au Canada, c’est certain. Ce circuit est parfait dans le cadre d’un voyage de 15 jours en famille. Néanmoins, pour des voyageurs à la recherche de grands espaces et d’aventures, les infrastructures des parcs nationaux, la réglementation contraignante (bivouac, réservation, etc.) et l’affluence touristique viennent ternir le sentiment de liberté…

Après un mois de randonnées intenses, Geoffrey a hâte de se dégourdir les bras avec sa canne à mouches (et moi, avec le canoë). Nous prenons alors la direction de Prince George, centre de la Colombie Britannique, à la recherche d’eaux poissonneuses.
Les photos par ici.

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2 réflexions sur « Rocheuses, entre clichés et réalité »

  1. Toujours passionnants tes récits et comics à vous imaginer détaillants devant de vrais ou d’imaginaires ours canadiens. N’oublie de m’envoyer quelques photos de train.😉 Bises à tous les deux.

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