Repos post-rando

Repos post-rando

Nous sommes sur la route de Prince George, ville centrale de la BC (British Columbia). Dans le miroir du rétroviseur, les montagnes s’éloignent, le paysage s’aplatit, laissant place aux prés et aux forêts.
J’observe la carte routière (mon occupation favorite) et indique à mon chauffeur qu’il existe une route alternative à la principale Highway. Cela peut paraitre anodin, mais il n’y a pas souvent de route secondaire au Canada, c’est un pays neuf !

Nous nous engageons donc sur l’ancienne route menant à Prince George, où plutôt devrais-je dire, le chemin en gravier. Le temps est au beau fixe et la route est déserte. Nous nous arrêtons de temps en temps pour cueillir des thimbleberries (une sorte de framboise acidulée) mais surtout… pour observer les ours noirs (en essayant de pas ne faire les deux activités en même temps ahah). Nous en croiserons entre 5 et 10 en quelques dizaines de kilomètres, un vrai safari.

Nous arrivons au village de Dunster qui semble s’être arrêté en 1900 avec sa vieille gare et son vieux magasin d’alimentation générale de 1921. A l’intérieur, tout est encore dans son jus (y compris la grand-mère). On achètera un morceau de pain (de mie bien entendu), surgelé et périmé depuis un mois, mais bon, nous sommes contents, on a fait tourner le commerce local.
Geo a repéré toute une panoplie de lacs et sites récréationnels au sud-est de Prince George avec des noms très alléchants : Fish Lake, Trout Lake, Grizzli Lake, etc.. Souvenez-vous dans notre dernier article, il n’avait pas pu sortir ses cannes depuis presque 3 semaines… il était au bord de la dépression.
Nous nous engageons sur la route forestière, une trentaine de kilomètres nous séparent du site le plus proche. Après quelques ornières boueuses, une centaine de nids-de-poule (enfin non d’autruche), nous arrivons au bord du lac pour le coucher du soleil. L’endroit est parfait, une place dégagée aux premières loges sur le lac. Il y quatre emplacements, nous ne sommes que deux. Nous ne verrons jamais notre voisin, mais il semblait bien installé (4×4, quad, tas de bois).

On passe la soirée à discuter au bord du feu avec, au-dessus de nos têtes, des dizaines d’étoiles filantes. On apprend désormais à reconnaitre les constellations, Grande Ours, Petite Ours, Cassiopée, Dragon, Cygne, etc. Je réalise que cela fait 80 jours que nous passons nos soirées comme ça…j’en oublie presque que nous sommes en voyage.
Au petit matin, nous sortons notre kayak, qui commençait d’ailleurs à prendre la poussière. Enfin, je corrige, je ressors MON kayak et Geo SA canne à pêche ! Plusieurs pêcheurs sont arrivés et pêchent à la traine sur le lac. Geo ne tient plus en place, il devient urgent d’aller sur l’eau. Le lac est peu profond et tapissé d’une espèce de mousse verte. Je ferai le tour du lac, et Geo n’aura que quelques petits poissons. Je sens sa déception.

Bon, nous sommes à proximité d’un autre lac, enfin non, à côté de 15 autres, le choix est difficile. On charge le canoé gonflé dans le véhicule (toute une aventure) et prenons la route vers une autre cible. C’est reparti pour un autre tour de lac. A l’extrémité Nord, je retire les dérives du canot, et m’engage alors dans ce qui est devenu ma spécialité : la remonté de ruisseau en kayak. Nous ne sommes pas hyper rassurés car nous avons oublié de prendre la bombe à ours. Oui, car sur un lac, à priori, ce n’est pas forcément utile, mais dans un ruisseau de 2 mètres de large où les passages d’animaux en bordure sont innombrables, la question se pose. Bref, délivrance pour le pêcheur que je promène (peut-être me reconvertir en guide de pêche moi…), des truites sont postées dans chaque méandre. Nous resterons plus d’une heure dans les 50 mètres de ruisseau, le temps que Geo attrape et relâche toutes les truites… On franchit un barrage de castor. L’aller est impeccable, le retour un peu moins. On porte le canoé puis on remonte tous les deux dessus… du même côté… Verdict : chavirage, bain. J’ai de l’eau jusqu’à la taille et Geoffrey jusqu’au cou.
Pour parfaire cette journée, je passerai accidentellement Geo à l’eau une seconde fois lors d’un coup de pagaie un peu sec alors qu’il était debout en train de pêcher tranquillement sur le canoé. Je le vois encore planté là, au milieu du lac parmi les nénuphars, avec de l’eau jusqu’au cou et sa casquette trempée…

Nous resterons 3 jours dans ce coin à explorer tous les lacs et rivières. On en profitera aussi pour faire un stock de baies dont des myrtilles et des saskatoon, rapidement épuisé en raison de l’appétit dévorante de Geo qui se goinfre tel un ours (son ventre s’en rappelle encore, il s’est plaint de tourista fulgurante pendant…1h) et de la préparation d’une nouvelle recette : le chausson aux myrtilles fait maison.

Pendant nos « temps libres », on se consacre à la planification du voyage et on se renseigne sur le territoire au nord de la Colombie-Britannique, le Yukon. Geo rêve de visiter cet espace immense qui s’étend jusqu’au pôle. Malheureusement, en raison du Covid, la frontière est étroitement surveillée, et une quarantaine est obligatoire. Après réflexion, nous prenons la décision de ne pas y séjourner pour éviter de passer notre temps sur la route et d’être enfermés dans un hôtel pendant 14 jours. Il est tout de même possible de traverser le Yukon sans s’arrêter (une autorisation de transit de 24h), ce qui nous permet d’envisager de faire une immense boucle de 3500 km : Prince George, Yukon, Terrace, Prince George.

Nous voilà donc parti direction le grand Nord. Sur la route, nous recherchons une rivière pas trop courante à remonter et descendre en kayak. Nous tombons sur la Crooked River. Il ne fait pas super beau, ni super chaud, je m’équipe alors du waders de Geo et d’une veste imperméable, pour éviter d’être trempée lors du pagayage. Quant à Geo, il n’en a pas besoin car il reste debout sur le canoë (sauf virage trop sec ahah !). La rivière est vraiment superbe. Elle est tapissée de végétaux et serpente dans une plaine, paradis des castors. Le débit n’est pas trop rapide, bref, une rivière parfaite. Au détour d’un affluent, on découvre même une ancienne cabane de trappeurs en fuste. J’allais oublier, petit détail mais pas des moindres, Geo attrape désormais truite sur truite. On passe la soirée au bord de la rivière après un bain glacial en guise de douche.
Geo est au paradis du pêcheur, il n’a pas dormi de la nuit et ne pense qu’à ressortir sa canne. On remet donc ça au matin suivant jusqu’à ce fameux accident qui bouscula sa vision de la pêche. Alors qu’il venait de faire une belle prise, l’hameçon triple de sa cuillère s’est pris dans la branchie du poisson. La truite, en sang, était incapable de repartir. Après plusieurs minutes d’attente, Geo a pris la décision de la garder et d’arrêter la pêche. Je suis passé du pêcheur heureux et surexcité au Geo malheureux épris de remords.
S’en suivit une véritable prise de conscience de sa part et une remise en question de sa pratique de la pêche. Lui, qui œuvre pour la préservation des milieux aquatiques, se retrouve désormais en mauvaise posture et au cœur d’un scandale poissonnier. Un peu plus et je me retrouvais avec un activiste de Sea Shepherd sur mon kayak. Il a donc délaissé la cuillère, les leurres et les hameçons triples pour une pêche plus respectueuse et en accord avec ses convictions : la pêche à la mouche.
Les kilomètres défilent et nous arrivons désormais à Mackenzie, une ville désuète dont l’économie repose sur la sylviculture. D’ailleurs, une « tree crusher » géante (sorte de rouleau-compresseur de forêt) est exposée à l’entrée de la ville. Le temps maussade n’arrange pas les choses et nous décidons de ne pas s’attarder plus longtemps dans ce coin.

Nous franchissons Pine Pass quelques heures plus tard puis Pine le Morray et Chetwynd avant d’atteindre Hudson Hope, un charmant petit village logé le long de la Peace River où nous resterons deux jours. Au détour d’un sentier dans le Parc Provincial de Butler Ridge, notre instinct de pêcheur/cueilleur reprend le dessus et nous ramassons nos premiers champignons de la saison (des cèpes) entre deux crottes d’ours.

La route pour atteindre le Yukon est encore longue, nous décidons de plier bagages et de rejoindre l’Alaska Highway, dernière ligne droite vers le Grand Nord.

PS : Pas de photo cette fois-ci. Trop occupés à pêcher.

2 réflexions sur « Repos post-rando »

    1. Mais de rien ! Une bombe à ours, c’est une sorte de bombe lacrymogène pour ours. C’est un spray qui contient de la capsaïcine, la molécule responsable du piquant du piment, extrêmement irritante. Je ne voudrais pas spoiler la suite de l’aventure, mais aujourd’hui, il fait : -20 °C.
      Bisous à tous les 4.

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